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La pertinence des algorithmes

6 août 2014
Illustration : CanStockPhoto

Les algorithmes jouent un rôle de plus en plus important dans la sélection, la recherche et la recommandation d’informations. Les algorithmes sont des procédures codées, destinées à transformer les données en fonction de calculs spécifiés. Ces procédures se rapportent à un problème spécifique et aux étapes au cours desquels celui-ci doit être résolu. Pour le chercheur américain Tartleton Gillepsie, l’auteur de cette définition, il est indispensable de penser l’ordinateur comme une machine algorithmique qui héberge et lit des données. Gillepsie épingle six dimensions relatives à la pertinence publique des algorithmes, dans le cadre d’une longue analyse exposée dans l’article « La pertinence des algorithmes » (« The relevance of algorithm »), publiée dans l’ouvrage collectif « Essays on communication, materiality, and society » (non traduit).

Les six dimensions de la pertinence algorithmique

Pour le chercheur, les six dimensions de la pertinence algorithmique sont : les trames d’inclusions (ce qui est inclus et exclu des résultats), les cycles d’anticipation, l’évaluation de la pertinence (positive ou négative), la promesse d’objectivité, l’enchevêtrement avec la pratique, et la production de publics calculés (personnalisation en fonction des critères de recherche de l’utilisateur). « Les algorithmes sont inertes, des machines vides de sens jusqu’à ce qu’elles soient associées avec des bases de données », souligne-t-il. Mais, rappelle-t-il plus loin, il ne faut pas perdre de vue les contextes économique et culturel dans lequel sont développés les algorithmes. « La pression sur les moteurs de recherche, les plateformes de contenus et les fournisseurs d’information peut subtilement modeler le design d’un algorithme et la présentation des résultats », relève-t-il. De plus, un algorithme peut être « facilement, instantanément, radicalement être changés de manière invisible », poursuit-il en utilisant la métaphore de la boîte noire. Dans le même temps, les algorithmes, plus que de simples outils, sont aussi « des stabilisateurs de confiance, les garanties pratiques et symboliques que leurs évaluations sont justes et précises, exemptes de subjectivité, d’erreur ou de tentatives d’influence. »

L’objectivité algorithmique vs l’objectivité journalistique

Tartleton Gillepsie compare l’objectivité algorithmique à l’objectivité journalistique. A l’instar des moteurs de recherche, « les journalistes ont mis au point des tactiques pour déterminer ce qui est le plus pertinent et comment le signaler. » Ces pratiques sont elles aussi invisibles mais elles ne peuvent en aucun cas être assimilées à l’objectivité algorithmique car les choix journalistiques relèvent « d’une expertise rigoureuse et d’un engagement intense, philosophique et professionnel, à mettre de côté préjugés et convictions politiques. » L’objectivité de l’algorithme « repose moins sur des normes institutionnelles et sur une expertise que sur une technologie » et ses promesses de « neutralité mécanique. » Et cela même si l’algorithme est conçu pour être intégré aux pratiques.

De plus, les algorithmes façonnent la manière dont les utilisateurs s’expriment : l’utilisation de hashtag dans les tweets constitue déjà une manière d’influer sur l’algorithme de recherche du réseau social.

Le chercheur voit toutefois dans  l’algorithme « un outil d’information de confiance (…) Nous pourrions voir les algorithmes non seulement comme des codes avec des conséquences (…) mais aussi comme une nouvelle logique de la connaissance (…), une logique concurrente à la logique éditoriale. (…) A bien des égards, les algorithmes restent en dehors de notre portée, et ils sont conçus pour l’être. Ce qui ne veut pas dire que nous ne devrions pas prétendre à éclairer leur fonctionnement et leur impact. »

Matérialité, médiation des connaissances, pratiques et promesses

« Essays on communication, materiality, and society » comporte douze autre essais articulés en deux parties : « The materiality of mediated knowledge and expression » et « The people, practice, and promises of information network ». S’inscrivant dans la perspective académique des études de la science et des technologies (Science and technologies studies, STS), l’ouvrage examine les modifications conceptuelles induites par le numérique et les médias en réseau : décentralisation de la production, ubiquité d’accès, désintégration de la masse/distinction interpersonnelle, résurgence de l’amateurisme, modularité et opacité des logiciels, modélisation fluide des réseaux de connaissance, et les pratiques connectées au sens social. Les concepts d’affordance, de relation production-contenus, d’activisme (Anonymous), de nuisances (spams), de bases de données (production de connaissances), de matérialité des données, de médiation, et de liberté (négative et positive) y sont notamment abordés.

(L.D.)

Tarleton Gillepsie, Pablo J Bozckowski, Kirsten A. Frost. « Media Technologies :Essays on Communication, Materiality, and Society », MIT Press, 2014, 325pp.

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