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L’informatique et les données dans les écoles de journalisme US

14 mars 2016

Aux Etats-Unis, informatique, données et journalisme font bon ménage depuis plusieurs décennies. Mais l’évolution des technologies de l’information – qui remettent en question la nature du travail journalistique – constitue un paramètre important dont il faudrait davantage tenir compte dans l’enseignement du journalisme.

Teaching data and computational journalismCharles Berret et Cheryl Phillips ont dressé, pour la Columbia Jounalism School (New York), un état des lieux qui démontre que malgré une route qui semble tracée dans les universités, il reste encore quelques kilomètres à parcourir. La pratique du datajournalisme a ainsi été longtemps tenue à l’écart de l’enseignement du journalisme, observent les chercheurs, tandis que les précurseurs de cette approche se voyaient régulièrement décerner des Pulitzer pour la qualité de leur travail d’enquête s’appuyant sur le traitement de données. Pour les auteurs, il est temps désormais d’élargir les programmes de formation des journalistes pour mettre l’accent sur les données et les pratiques informatiques : les compétences dans ces domaines sont désormais considérées comme un minimum dans un monde de plus en plus dépendant de flux complexes d’information.

Que faut-il entendre par journalisme de donnés ? « L’utilisation des données dans un but journalistique de trouver et raconter des histoires dans l’intérêt public. Cela peut prendre de nombreuses formes », écrivent Berrett et Philips : analyse écrite, visualisation de données ou développement d’applications en ligne. Quatre domaines-clé forment le champ de l’approche par données dans le journalisme, indiquent-ils : (1) Le data reporting, qui désigne l’acquisition, le nettoyage et l’analyse de données pour raconter des histoires journalistiques ; (2) La visualisation de données et les applications interactives, en utilisant du code (HTML / CSS / JavaScript / jQuery) pour la publication numérique ; (3) les technologies journalistiques émergentes, parmi lesquelles les drones, les capteurs sensoriels et  la réalité virtuelle augmentée ; (4) le journalisme computationnel, qui fait usage d’algorithmes ou de techniques du machine learning.

Un peu d’histoire et une enquête

L’histoire de cette approche par données remonte à 1967,  une année marquée par la  première expérience s’appuyant sur les méthodologies des sciences sociales avec Philip Meyer, le père du « journalisme de précision ». Cette histoire se poursuivra dans les années 1980 avec le « journalisme assisté par ordinateur » (CAR) et dans les années 1990 avec l’émergence puis la démocratisation du World Wide Web. Ce volet historique est enrichi par les diverses initiatives relatives au domaine qui eurent lieu dans et hors des murs des universités. A épingler, le lancement de Forjournalism.com qui, depuis 2013, dispense des cours en lignes et des tutoriels pour apprendre le scraping, le mapping ou les techniques de datavisualisation.

L’étude qui suit s’appuie sur des interviews de plus de 50 journalistes, enseignants et étudiants, et sur l’évaluation de 100 programmes d’enseignement en journalisme. Les principaux constats sont que près de la moitié des programmes ne comportent  aucun cours de journalisme de données, que les cours dispensés sont surtout introductifs (utilisation d’une feuille de calcul, compréhension des statistiques descriptives, nettoyage de données..), que le champ manque de littérature pour l’enseignement de la pratique du journalisme de données, que les membres du corps professoral ne sont pas outillés dans ces matières et doivent donc faire appel à des intervenants externes, et que les diplômés ayant suivi un cursus « data » sont mieux armés pour réussir leur vie professionnelle. Les auteurs soulignent également que malgré le caractère américain de leur rapport, ces résultats seront utiles à l’échelle internationale.

Le rapport, rédigé en anglais, compte 97 pages est disponible via Gitbook

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